Six mois autour du monde
Bernard Stamm n’était pas le favori de cette course autour du monde. Avec un bateau plus ancien et face à ses deux concurrents directs, Mike Golding et Alex Thomson, Stamm avait préparé son Cheminées Poujoulat avec minutie et rigueur et travaillé sa navigation comme personne. A l’issue de la Velux 5 Oceans, Bernard confirme son talent et son courage, il fait également la démonstration que les courses se gagnent aussi à terre.
Une première étape dévastatrice
Le 4 décembre 2006, au terme de 43 jours de mer de 12 000 milles de course et un lot de galères éprouvantes, liées à l’oubli de ses fourrures polaires, Bernard Stamm passe la ligne d’arrivée de la première étape de la Velux 5 Oceans en grand vainqueur, laissant son poursuivant, Kojiro Shiraishi à plus de 900 milles derrière lui, un écart jusqu’alors jamais réalisé dans une course à la voile.
Retour sur la première étape : Ils étaient sept au départ et cinq à l’arrivée… La Velux 5 Oceans a démarré de manière musclée. Le hors d’œuvre de la course s’est vite révélé dantesque et brutal provoquant une succession d’avaries. Dès le second jour de course, le Japonais Kojiro Shiraishi (Spirit of Yukoh) pointe en deuxième position alors que Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) en choisissant la route Sud a pris la tête de la course. Bernard Stamm, largement en tête de la Velux 5 Oceans, fait figure de rescapé. La flotte a subi une véritable hécatombe. Seuls restent en mer, Cheminées Poujoulat et Spirit of Yukoh, L’entrée en matière a été terrible, Alex Thomson, Hugo Boss, c’est dérouté sur Gijon, Mike Golding, Ecover, a mis le cap sur La Corogne tandis que l’Espagnol Unai Basuko a fait demi-tour vers le port de Bilbao et que Sir Robin Knox-Johnston, Saga Insurance, s’est lui aussi dérouté sur la Corogne.
Trois semaines après le départ de Bilbao, Cheminées Poujoulat s’engage à pleine vitesse sur l’autoroute du Sud. Bien calé sur la route directe, le 60 pieds avale les milles à 17 nœuds de moyenne. Stamm s’échappe version grande vitesse. Mike Golding (Ecover) son poursuivant le plus proche, marche alors à 9 nœuds, soit quasiment deux fois moins vite, 565 milles dans le Nord-Ouest du leader. Alors que Bernard Stamm allonge la foulée, Mike Golding et Kojiro Shiraishi, peinent à se dépêtrer de l’anticyclone qui a à peine ralenti Cheminées Poujoulat. «Le gros coup de vent au départ a changé la configuration de la course avec les multiples avaries de mes adversaires. Mais ce passage de l’anticyclone de Saint Hélène aura été un moment clef de l’étape. Alors que j’ai réussi à traverser cet obstacle, ils ont dû en faire le tour, ce qui a provoqué de gros écarts.Après ils se sont tirés la bourre. Hugo Boss qui avait pris la deuxième place, alignait des moyennes de 20 nœuds et revenait dangereusement sur moi, tout comme Mike Golding ».
23 novembre, la régate bat son plein en tête de course. Loin devant, avec toujours 700 milles d’avance sur ses poursuivants, Bernard Stamm observe avec attention et un peu d’inquiétude le duel auquel se livrent Alex Thomson et Mike Golding. Alex Thomson, qui déboule à 20 nœuds, est alors contraint d’abandonner son bateau (Hugo Boss) dont la quille est endommagée, Mike Golding (Ecover) se déroute pour secourir son compatriote et démâte quelques heures plus tard… 11 jours plus tard, Bernard Stamm franchit la ligne d’arrivée, loin devant Kojiro Shiraishi.
Deuxième étape, avec un océan d’avance
Le 4 mars 2007, après 48 jours et 22 heures de course, Bernard Stamm a remporté la deuxième étape de la Velux 5 Oceans de belle manière. Non content de mener de bout en bout sur ce demi-tour du monde, le skipper de Cheminées Poujoulat a laissé son poursuivant, le Japonais Kojiro Shiraishi à 2900 milles dans son tableau arrière, soit plus de 5000 kilomètres, une traversée de l’Atlantique entre New York et Plymouth ou encore, l’équivalent d’un aller retour entre Paris et Moscou et 2000 milles de plus qu’à la première étape.
Retour sur 48 jours de course : Bernard Stamm et son Cheminées Poujoulat ont pris le départ de la seconde étape de la Velux 5 Oceans le 14 janvier de Fremantle en Australie, direction Norfolk, aux Etats Unis. Entre les deux 14248 milles (en ligne directe), soit près de deux mois de course. C’est la plus longue étape de la Velux 5 Oceans. Cinq jours plus tard, alors que Cheminées Poujoulat a ‘déposé’ tous ses adversaires sur la ligne de départ, toujours en tête, il entre dans les 40èmes rugissants. «Je vais passer très au large de la Tasmanie pour crocher le train de dépressions beaucoup plus bas. Après, à cause de la marque des îles Campbell (52 Sud), il faudra remonter. L’inconvénient, c’est qu’à cet endroit, c’est un véritable champ de mines, il y a la remontée des icebergs au sud de la Nouvelle-Zélande. On le sait, mais il n’empêche que c’est rock’n roll !. En début de course, j’ai mis tout dessus pour creuser l’écart, maintenant, j’entre dans une perspective de plus long terme. »
Au 10ème jour de course, c’est l’Antéméridien pour Cheminées Poujoulat et Spirit of Yukoh est pointé 600 milles derrière. « A partir de ce point, on peut considérer que chaque mille que je parcours me rapproche de chez moi. J’ai cessé de m’éloigner de la maison.»
Le 7 février, après avoir franchi le Cap Horn, Bernard envoie son premier message de l’Atlantique. « C’est bon d’être sorti du Pacifique sud. Même si je n’ai pas vu d’icebergs cette fois ci. » Il reste moins de la moitié de l'étape à courir (6800 milles) et Kojiro Shiraishi est à 1814 milles de Cheminées Poujoulat.
La remontée le long des côtes de l’Amérique Latine se fera dans des conditions le plus souvent pénibles. «C’est comme le Tour de France, après le col de la Madeleine, il y a un faux plat…»
Le 22 février à 3 heures du matin, à 3100 milles de Norfolk, Cheminées Poujoulat passe l’Equateur et navigue dans l’hémisphère nord après un passage du Pot au Noir particulièrement pénible. « Hier, dans le Pot au Noir, j’ai parlé à mon bateau. Je lui ai dit : Cheminées Poujoulat on ne peut pas continuer comme ça. Il faut que je me repose un peu, au moins une heure. Sinon, on ne va pas rester copains. Il reste nous deux semaines de course à faire ensemble jusqu’à Norfolk et c’est mieux si on reste amis. Le vent est revenu tout doucement et s’est stabilisé, le ciel est devenu plus clair et j’ai pu aller dormir… ».
Le 4 mars, la messe est dite, Stamm arrive à Norfolk, Kojiro Shiraishi compte quasiment un océan de retard… « Je suis super heureux d’arriver, je ne pensais pas mettre une telle distance entre moi et Kojiro. Il est resté bloqué dans une zone de haute pression dans le Pacifique. Ça doit être interminable pour lui… Cheminées Poujoulat a bien supporté le voyage. Je garderai comme excellent souvenir de ce demi-tour du monde le passage du cap Horn. Il faisait mauvais temps mais avec de belles éclaircies, c’était lunaire. Sinon, le Pot au Noir reste définitivement ce que j’aime le moins…»
Troisième et dernière étape : Suspens sur l’Atlantique express
Reporté deux fois pour cause de mauvais temps, le départ de Norfolk a finalement été donné le 18 avril. Cap sur Bilbao, ligne d’arrivée de la Velux 5 Oceans. Malgré les 15 jours d’avance cumulés en deux étapes sur Kojiro Shiraishi, Stamm aborde cette transatlantique finale avec précaution : «C’est loin d’être une formalité».
Retour sur la dernière étape : Partis, juste derrière une grosse dépression qui avait contraint les organisateurs à retarder le départ de Norfolk, les concurrents de la Velux 5 Oceans commencent par courir péniblement après un système qui va plus vite qu’eux. « Elle ne va pas nous attendre la dep’, il va falloir se frayer un passage dans le vent qui reste derrière… ». Dès le départ, bien qu’au près, Cheminées Poujoulat aligne malgré tout de belles moyennes dans le Gulf Stream, poussé par le célèbre courant. « C’est extrêmement désagréable à ces allures, ça tape beaucoup depuis qu’on est entré dans le Gulf Stream parce que le vent est contre le courant. La mer est croisée et hachée et ce n’est pas facile de faire avancer Cheminées Poujoulat dans ces conditions. Même si les moyennes paraissent élevées, en fait, nous sommes portés par le courant. Kojiro (Spirit of Yukoh) a un bateau qui va bien au près, il s’accroche et c’est sympa de continuer de régater ». Le 24 avril, la bascule tant attendue s’est laissée désirer et il a fallu monter au nord dans des airs erratiques pour aller ‘choper’ ce fameux train à ne pas manquer que Bernard signalait dès le départ. Au portant, Cheminées Poujoulat déboule à 20 nœuds et distance, heure après heure, Spirit of Yukoh.
«J’ai touché du portant hier soir après une transition, longue, longue… Toute la nuit précédente, je l’ai passée à essayer de garder de l’air pour continuer de monter au nord chercher la bascule. Il y avait entre deux et quatre nœuds de vent. C’est rentré, mais très lentement».
Cheminées Poujoulat a mis le clignotant à droite et peut de facto attaquer sa traversée de l’Atlantique, qu’il devrait réaliser en 12 jours, avec un Japonais qui ne lâche rien jusqu’au bout. Qui remportera cette dernière étape ?… Réponse demain.
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